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Hugues Bedouelle - Recherche
Les recherches de mon laboratoire ont été focalisées sur les relations
entre la structure tridimensionnelle des protéines, leur stabilité
conformationnelle et leurs mécanismes d'action. Nous avons utilisé
l'approche multidisciplinaire de l'ingénierie des protéines et de
l'évolution moléculaire in vitro. J'ai aussi effectué des recherches à l'interface entre mathématiques et composition musicale.
Principaux domaines de recherche (du passé au présent)
Contrôle de l’expression génétique;
Exportation des protéines;
Protéines hybrides;
Reconnaissance entre protéine et ARN;
Principes pour mesurer et interpréter la stabilité des protéines;
Stabilité et repliement de protéines particulières;
Reconnaissance entre anticorps et antigène;
Reconnaissances entre un anticorps protecteur et les quatre sérotypes du virus de la dengue;
Développement de tests diagnostiques et de vaccins;
Récepteurs de Flavivirus;
Structure de la nucléocapside du Virus Respiratoire Syncytial (RSV);
Biocapteurs fluorescents autonomes.
Logique du langage musical.
Contrôle de l’expression génétique
Le système de
transport du maltose est codé chez Escherichia coli par deux opérons
divergents, sous contrôle des promoteurs malEp et malKp, et des
activateurs de la transcription MalT et CRP. J’ai déterminé la séquence
et la structure fonctionnelle de la région de contrôle qui est située
entre ces deux opérons. En particulier, j'ai déterminé la séquence
d'ADN de cette région (1) et les sites de démarrage de la transcription
pour les deux opérons en séquençant les extrémités 5'-triphosphate de
leurs ARNs messagers (mRNA), identifié les sites de démarrage de la
traduction pour les gènes malE et malK, et proposé des séquence de
reconnaissance sur l'ADN pour MalT et CRP (2). La sélection et la
caractérisation de mutations m'ont permis de montrer qu'une partie de
la région de contrôle est commune aux deux opérons dont les expressions
sont, par conséquent, coordonnées (3). Ce travail a été réalisé pendant
que j'étais doctorant dans le laboratoire de Maurice Hofnung.
La thréonyl-tRNA
synthétase d'E. coli réprime la traduction de son propre gène thrS. Sur
la base des données disponibles, j'ai proposé que les deux structures
en tige-et-boucle dans la séquence de tête du mRNA miment la
tige-et-boucle de l'anticodon du tRNAThr et qu'elles se fixent aux deux
sites d'interaction de ce dernier dans l'homodimère de thréonyl-tRNA
synthétase (4). Cette proposition s'est révélée correcte par la suite.
Exportation des protéines
La protéine
affine du maltose (MBP ou MalE) est le produit du gène malE chez E.
coli. Elle est exportée à travers la membrane cytoplasmique dans
l'espace périplasmique par l'intermédiaire d'un peptide signal
N-terminal. Ce court peptide (26 résidus pour MalE) contient un segment
de résidus d'acides aminés hydrophobes qui pilote son insertion dans la
membrane et ainsi initie l'exportation. Le peptide signal est ensuite
clivé pour relâcher la protéine exportée dans le périplasme. Nous avons
déterminé la séquence d'ADN du gène malE et la séquence en acides
aminés presque complète de la forme mature de MalE (en coll. avec I.
Zabin, USA) (5). En utilisant MalE comme protéine modèle, j'ai réalisé
la première caractérisation de mutations dans le peptide signal qui
empêchent l'exportation d'une protéine (en coll. avec J. Beckwith,
USA). J'ai trouvé que le changement d'un unique acide aminé hydrophobe
en un acide aminé chargé à l'intérieur du peptide signal suffit à
bloquer l'exportation. L'un des changements introduisait une proline
dans le peptide signal et contraignait ainsi sa conformation (6). J'ai
utilisé cet ensemble de mutations bien caractérisées pour tenter une
analyse des relations entre conformation et fonction des peptides
signal (7). Ce travail a été réalisé pendant que j'étais doctorant dans
le laboratoire de M. Hofnung.
J'ai construit
une protéine hybride entre MalE et la polymérase de Klenow d'E. coli et
montré qu'elle était exportée dans l'espace périplasmique en quantité
significative. Ainsi, une protéine cytoplasmique peut être exportée à
travers une membrane (8).
Protéines hybrides
Nous avons
réalisé l'insertion d'un court ADN de liaison (linker DNA), codant pour
un site de restriction, au hasard dans le gène malE d'E. coli et ainsi
une première analyse des relations entre structure et fonction de la
protéine affine du maltose MalE. Certaines insertions affectaient la
fonction de MalE tandis que d'autres étaient permissives (9, 10). Ces
sites permissifs dans MalE ont ensuite été utilisés par d'autres pour
insérer des peptides antigéniques et provoquer une réponse immunitaire.
J'ai utilisé les insertions 3'-terminales pour développer l'utilisation
de MalE comme poignée d'affinité pour la purification de protéines et
de peptides étrangers, en particulier des fragments d'anticorps
fonctionnels (8, 11-14). De tels hybrides nous ont permis de montrer
que la fusion d'une protéine exportée avec un Leucine-Zipper induit sa
dimérisation in vivo (15); et qu'un partenaire d'une protéine hybride
peut déstabiliser l'autre partenaire (16).
Reconnaissance entre protéine et ARN
L'avènement de
la mutagenèse dirigée par oligonucléotides vers l'année 1980 a ouvert
de nouvelles perspectives pour l'étude des protéines et conduit à un
nouveau domaine de recherche, l'ingénierie des protéines. J'ai
contribué au développement d'une méthode améliorée de mutagenèse
dirigée par oligonucléotides (17) et je l'ai ensuite appliquée au
problème de la reconnaissance entre protéines et ARNs. Les
aminoacyl-tRNA synthétases (aaRS) sont les enzymes qui traduisent le
code génétique in vivo en attachant chacun des 20 acides aminés aux
ARNs de transfert (tRNA) apparentés, c'est-à-dire ceux qui portent
l'anticodon correspondant. Ainsi, la tyrosyl-tRNA synthétase (TyrRS)
attache la tyrosine (Tyr) au tRNATyr apparenté. Les aaRSs ont été
divisées en deux classes de 10 éléments chacune.
J'ai étudié la
TyrRS de Bacillus stearothermophilus plus particulièrement. La TyrRS
est un homodimère. Nous avons construit des TyrRSs hétérodimériques qui
portaient des mutations différentes dans leurs deux sous-unités, et
analysé leurs activités. Ces constructions ont montré que le site de
fixation d'une molécule de tRNATyr chevauche les deux sous-unités de la
TyrRS (18). J'ai ensuite cartographié le site de fixation du
tRNATyr à la surface de la TyrRS de B. stearothermophilus, dont
la structure cristalline était connue, et construit un modèle
structural de leur complexe par mutagenèse dirigée et modélisation
moléculaire (en coll. avec G. Winter, UK) (19, 20). Ce modèle a montré
que la TyrRS reconnaît ses tRNAs apparentés de façon exceptionnelle
parmi les 10 aminoacyl-tRNA synthétases de classe I (21, 22) et il a
été confirmé expérimentalement par d'autres. Certaines des mutations
que j'ai construites, ont servi à reconstruire l'état de transition
pour l'activation de la tyrosine par la tyrosyl-tRNA synthétase (en
coll. avec A. R. Fersht) (23).
J'ai découvert
que la surproduction de la TyrRS est toxique pour l'hôte cellulaire.
Cette toxicité résulte vraisemblablement du mischargement de tRNAs
non-apparentés par la TyrRS et ainsi de l'incorporation de tyrosine à
la place d'autres acides aminés dans les protéines cellulaires (24).
Nous avons aussi découvert que certaines mutations de la TyrRS, dans le
site d'interaction du tRNATyr, rendent la TyrRS toxique pour l'hôte
cellulaire (24). J'ai utilisé cette propriété pour montrer l'existence
d'un nouveau mécanisme de reconnaissance entre macromolécules, par
répulsion électrostatique, qui participe au rejet des tRNAs
non-apparentés par la TyrRS (25, 26).
Le domaines
C-terminal (résidus 320-419) de la TyrRS est désordonné dans la
structure cristalline de l'enzyme libre. Nous avons montré que ce
domaine C-terminal est replié en solution (27-29); déterminé sa
structure tridimensionnelle par Résonance Magnétique Nucléaire (en
coll. avec M. Delepierre) (30, 31); et montré le rôle fonctionnel du
peptide flexible qui relie les domaines N- et C-terminaux (32).
J'ai écrit trois
revues sur les tyrosyl-tRNA synthétases bactériennes, leur
reconnaissance des tRNATyr apparentés et leur discrimination contre les
tRNAs non-apparentés (21, 22, 33).
Principes pour mesurer et interpréter la stabilité des protéines
La possibilité
de mesurer la stabilité thermodynamique des protéines avec précision
est importante à la fois pour la recherche académique et la recherche
appliquée. De telles mesures reposent sur des modèles mathématiques du
profil de dépliement protéique, c'est-à-dire la relation entre un
signal protéique global, correspondant aux états de repliement en
équilibre, et la valeur variable d'un agent dénaturant, soit la chaleur
soit une molécule chimique, par ex. l'urée ou le chlorure de
guanidinium. J'ai passé en revue les lois physiques élémentaires
sous-jacentes, et montré en détail comment établir des équations
canoniques pour les équilibres de dépliement de protéines homomériques
ou hétéromériques, jusqu'au trimères et potentiellement tétramères,
avec ou sans intermédiaires de dépliement. De telles équations ne
peuvent pas être établies pour des pentamères ou des oligomères de rang
supérieur (34). Nous avons étendu cette méthode à des signaux qui ne
correspondent pas à des propriétés extensives des protéines (34-36).
J'ai passé en revue et étendu des méthodes: (i) pour dévoiler des
intermédiaires cachés de dépliement; (ii) pour comparer et interpréter
les paramètres thermodynamiques qui sont déduits de mesures de
stabilité pour des protéines de types sauvage et mutant apparentés
(34). Ce travail fournit une base théorique solide pour mesurer la
stabilité de protéines complexes.
Stabilité et repliement de protéines particulières
La TyrRS de B.
stearothermophilus est une protéine dimérique. Nous avons montré
qu'elle se déplie en passant par un intermédiaire monomérique et
quantifié sa stabilité thermodynamique. Cette stabilité est très élevée
et comprend trois composantes additives: la stabilité de l'association
entre les deux sous-unités, et la stabilité des deux sous-unités
identiques (37). Ainsi, les protéines dimériques pourraient avoir un
avantage sur les protéines monomériques en termes de stabilité.
E. coli est un
organisme mésophile tandis que B. stearothermophilus est un
thermophile. Les TyrRSs d'E. coli et de B. stearothermophilus sont
identiques à 56% au niveau de leurs séquences en acides aminés. Pour
comprendre les bases moléculaires de leur différence de stabilité, nous
avons construit des protéines hybrides entre les deux TyrRSs par
recombinaison in vivo entre leurs gènes, dans une sorte de
réassortiment d'ADN (DNA-shuffling). Les TyrRSs hybrides étaient
actives, ce qui a montré que les séquences et les structures des deux
protéines parentales peuvent se remplacer l'une l'autre localement et
néanmoins donner une enzyme TyrRS active. L'analyse de la stabilité des
hybrides a montré que la plus grande stabilité de la TyrRS de B.
stearothermophilus est due à des changements cumulatifs de résidus
répartis le long de la séquence (38). Nous avons également identifié un
groupement de résidus en interaction dans le coeur structural de la
TyrRS de B. stearothermophilus et échangé ces résidus pour les résidus
correspondants de la TyrRS d'E. coli, soit individuellement soit en
groupes. Certaines mutations affectaient la stabilité de l'association
entre les sous-unités à distance, tandis que d'autres affectaient la
stabilité du protomère. Les effets des mutations sur la stabilité
pouvaient dépendre de leur voie d'introduction: par exemple, les effets
des mutations 1 et 2 sur la stabilité pouvaient être neutres quand
elles étaient introduites dans cet ordre tandis que la mutation 2 était
déstabilisatrice et la mutation 1 stabilisatrice quand elles étaient
introduites dans cet ordre inversé. Ainsi, les effets d'une mutation
sur la stabilité peuvent dépendre de son contexte structural et il se
peut que l'évolution prennent des cheminements préférentiels (35).
Nous avons
développé une méthode de design moléculaire, basée sur le consensus de
séquence, pour améliorer fortement la stabilité d'un fragment variable
scFv d'anticorps au moyen de mutations. Nous avons quantifié les
contributions de la résistance à la dénaturation et de la coopérativité
de dépliement à la variation de stabilité causée les mutations, et
montré que les variations de coopérativité font intervenir des
structures résiduels de l'état dénaturé (39).
Le genre
Flavivirus inclut des pathogènes humains sévères, par ex. les quatre
sérotypes du virus de la dengue (DENV1 à DENV4), le virus de la fièvre
jaune, le virus de l'encéphalite japonaise et le virus du Nil
Occidental. Le domaine III (ED3) de la protéine d'enveloppe (E) virale
interagit avec des récepteurs cellulaires et contient des épitopes qui
sont reconnus par des anticorps neutralisants. Nous avons mesuré les
stabilités thermodynamiques de domaines ED3 recombinants issus des
virus ci-dessus. Un domaine ED3, conçu rationnellement et possédant la
séquence consensus de nombreuses souches de DENV venant des quatre
sérotypes, était hautement stable. La stabilité d'un domaine ED3 a été
augmentée par design sans affecter sa réactivité envers des sérums
humains qui étaient infectés par le virus correspondant. Le Tm d'ED3
était supérieur à 69 °C pour tous les virus testés et atteignait 86 °C
pour le domaine ED3 consensus. Ces résultats permettent de mieux
comprendre et manipuler les propriétés de stabilité d'ED3 pour son
utilisation comme outils de diagnostic, vaccin ou thérapie (40).
Reconnaissance entre anticorps et antigène
La structure
cristalline du complexe entre l'anticorps monoclonal mAbD1.3 et son
antigène, le lysozyme de blanc d'oeuf de poule, est disponible. Nous
avons montré par mutagenèse qu'un sous-ensemble limité des contacts
physiques entre mAbD1.3 et le lysozyme contribue aux cinétiques et à
l’énergie de leur interaction, et qu'il fait intervenir des résidus
hydrophobes et des résidus chargés (41). De plus, nous avons montré que
l'amélioration d'affinité (x 60) de mAbD1.3 durant la maturation de la
réponse immunitaire est due à une seule parmi les cinq hypermutations
somatiques qui sont présentes (42). En utilisant mAbD1.3 comme modèle,
nous avons montré que la vitesse de dissociation entre un anticorps et
un antigène protéique détermine l'efficacité avec laquelle l'anticorps
sert d'intermédiaire pour la présentation de son antigène aux cellules
T (en coll. avec C. Leclerc) (43).
Nous avons
analysé les réactivités croisées d'un anticorps monoclonal, mAb164,
vis-à-vis d'une protéine, TrpB2, et d'un undécapeptide mimétique
dérivé, P11, par mutagenèse des deux formes de l'antigène. Nous avons
ainsi montré que les formes isolées et intégrées de l'épitope sont
reconnues par l'anticorps dans une même conformation en boucle et par
le même mécanisme structural (13, 44).
Nous avons
amélioré l'affinité et le pouvoir protecteur d'un anticorps de primate
non-humain qui est dirigé contre la toxine léthale de l'anthrax par une
nouvelle méthode d'évolution dirigée in vitro. Cette méthode ciblait
simultanément et uniquement les boucles hypervariables (CDR,
Complementary Determining Region) de l'anticorps et ne modifiait donc
pas son immunogénicité (45). Bien plus, nous avons modifié la charpente
de cet anticorps pour rapprocher sa séquence de celles de gènes
germinaux humains, par ingénierie in vitro et in silico. Cette
humanisation germinale ne modifie pas l’affinité de l’anticorps pour
son antigène et amène son immunogénicité en-dessous de celle
d’anticorps totalement humains pour des applications cliniques (en
coll. avec P. Thullier) (46).
Reconnaissances entre un anticorps protecteur et les quatre sérotypes du virus de la dengue
La dengue est
une maladie virale qui affecte 100 millions de personnes par an et peut
être mortelle. La protéine d'enveloppe (E) du virus comprend trois
domaines ED1 à ED3, et un segment transmembranaire (voir ci-dessus).
L'anticorps monoclonal murin mAb4E11 neutralise les quatre sérotypes du
virus de la dengue. Nous avons cartographié le paratope (site de
fixation à l'antigène) énergétique du mAb4E11 par mutagenèse, trouvé
que ses résidus de diversité et de jonction constituent des points
chauds d'énergie pour l'interaction avec l'antigène, et montré ainsi
qu'il existe un lien direct entre génération de la diversité et de
l'affinité chez les anticorps (47). Nous avons cartographié l'épitope
énergétique du mAb4E11 dans le domaine ED3 par mutagenèse. Nous avons
montré qu'il est discontinu, qu'il constitue une signature antigénique
pour le groupe des virus de la dengue, et qu'il peut être transplanté
dans la protéine E de Flavivirus non-apparentés (48, 49).
Nous avons
déterminé les structures cristallines à haute résolution (entre 1.6 et
2.1 Å) des complexes entre le fragment variable scFv du mAb4E11 et
chacun des quatre sérotypes du domaine ED3. Ces structures ont révélé
les déterminants essentiels des réactivités croisées envers les quatre
sérotypes. Elles ont expliqué le large spectre de neutralisation du
mAb4E11 malgré des différences importantes d'affinité entre son
fragment Fab et les domaines ED3 des quatre sérotypes (en coll. avec
F.A. Rey) (50). Au moyen d'une analyse approfondie des structures, nous
avons montré l'existence de contacts indirects entre mAb4E11 et ED3,
médiés par des molécules d'eau et conservés entre sérotypes. La
troisième boucle hypervariable de la chaîne légère (L-CDR3) du mAb4E11
ne contacte pas ED3. En construisant des mutations additionnelles à la
fois dans ED3 et dans le fragment Fab du mAb4E11, nous avons montré que
les effets de mutations ou d'hyper-mutations dans L-CDR3 sur l'affinité
sont causés par des changements conformationnels et des interactions
indirectes avec ED3 par l'intermédiaire d'autres CDRs. Nous avons
échangé des résidus entre sérotypes d'ED3 et montré que leurs effets
sur l'affinité dépendent du contexte. Cette recherche a montré que les
changements conformationnels, le contexte structural, et les
interactions indirectes devraient être considérés quand on étudie les
réactivités croisées entre des anticorps et différents sérotypes
d'antigènes viraux, pour une meilleure conception d'outils
diagnostiques, vaccinaux ou thérapeutiques (51).
Développement de vaccins et tests diagnostiques
Durant un stage
dans le laboratoire de M. Hofnung en 1975-76, j'ai contribué à
l'adaptation d'un test de génotoxicité (le test d'Ames) aux huiles
minérales (52, 53).
Les IgMs sont
les premières immunoglobulines qui apparaissent lors d'une infection
virale, elles sont pentamériques et ont de faibles affinités. Nous
avons développé des familles d'antigènes recombinants pour simplifier
les tests sérologiques précoces des infections à Flavivirus. Ces
réactifs sont basés sur des homomultimères artificiels du domaine ED3
de la protéine E, et utilisent le phénomène d'avidité pour augmenter
leur énergie d'interaction avec des IgMs. L'une de ces familles est
basée sur la construction d'hybrides, au niveau génétique, entre ED3 et
une phosphatase alcaline d'E. coli améliorée, qui est une protéine
périplasmique dimérique. De tels réactifs peuvent être construits et
produits rapidement dans E. coli pour tout Flavivirus émergent. Ils
rendent les tests de type MAC-ELISA (MAC, IgM Antibody Capture; ELISA,
Enzyme Linked Immunosorbent Assay) plus sensibles et plus simples à
réaliser.
L'infection par
l'un des quatre sérotypes DENV1 à DENV4 du virus de la dengue induit
une immunité durable contre ce sérotype mais pas contre les trois
autres sérotypes. Une infection subséquente par un sérotype différent
est un facteur de risque pour une dengue sévère. Nous avons déterminé
les spécificités de sérotype et les réactivités croisées des IgMs
humaines, dirigées contre ED3, en utilisant une collection bien
caractérisée de sérums humains qui étaient infectés ou non-infectés par
DENV. Les reconnaissances des quatre sérotypes d'ED3 par les sérums ont
été testées au moyen des MAC-ELISA décrits ci-dessus et analysées
statistiquement au moyen de courbes ROC (Receiving Operator
Characteristic). Les sérums infectés par DENV contenaient des IgMs qui
réagissaient avec un ou plusieurs sérotypes d'ED3. La discrimination
par ED3 entre sérums infectés par le DENV homotypique et sérums
non-infectés variait avec le sérotype dans l'ordre décroissant DENV1
>DENV2 >DENV3 >DENV4. Le domaine ED3 de DENV1 se comportait
comme un antigène universel pour la détection des IgMs contre les
quatre sérotypes de DENV. Certains sérotypes d'ED3 discriminaient entre
IgMs dirigés contre les DENVs homotypiques et hétérotypiques. Ces
données permettront de mieux comprendre la réponse immunitaire et la
protection contre DENV de type IgM puisqu'ED3 est utilisé comme
antigène dans des tests diagnostiques et comme immunogène dans des
vaccins candidats (en coll. avec Ph. Dussart) (54).
J'ai contribué à
l'évaluation réussie d'un vaccin contre la dengue, basé sur un virus
hybride entre le vaccin vivant atténué de la rougeole et des domaines
minimaux des protéines prM et E pour les quatre sérotypes du virus de
la dengue (en coll. avec F. Tangy) (55, 56).
Récepteurs de Flavivirus
La Protéine
Ribosomale SA (RPSA ou LamR1) appartient au ribosome mais est également
un récepteur membranaire pour la laminine, des facteurs de croissance,
le prion, des agents pathogènes et l’anticancéreux
épigallocatéchine-gallate (EGCG, un constituant du thé vert). RPSA
contribue à la traversée de la barrière hémato-encéphalique par des
virus et des bactéries neurotropes, et est un marqueur de métastases.
La protéine RPSA humaine inclut un domaine N-terminal, qui est
homologue aux protéines ribosomales S2 procaryotes, et une extension
C-terminale, qui est conservée chez les vertébrés. Nous avons montré
que le domaine-N se déplie suivant un équilibre entre trois états
monomériques, que l'intermédiaire de dépliement est prédominant à la
température corporelle de 37 °C, et que le domaine-C est
intrinsèquement désordonné (57).
Nous avons
construit des dérivés recombinants de RPSA et quantifié leurs
interactions avec des ligands par des méthodes immunochimiques et
spectrofluorimétriques in vitro. Ces études ont montré que les deux
domaines N- et C-terminaux de RPSA fixaient la laminine avec des
constantes de dissociation (Kd) de 300 nM. L’héparine se liait
uniquement au domaine N-terminal et entrait en compétition avec le
domaine C-terminal négativement chargé pour la liaison à la laminine.
Ainsi, le domaine C-terminal mimait l’héparine. L’EGCG se liait
uniquement au domaine N-terminal, avec un Kd de 100 nM. Les domaines
ED3 issus des protéines d'enveloppe du virus de la fièvre jaune et des
sérotypes 1 et 2 du virus de la dengue se liaient préférentiellement au
domaine C-terminal, tandis que celui issu du virus du Nil Occidental se
liait seulement au domaine N-terminal. Cette approche quantitative in
vitro pourrait aider à identifier les mécanismes d'action de RPSA et
ainsi à lutter contre le cancer et certains agents infectieux (58).
Notre travail sur RPSA/LamR1 a résolu certains paradoxes de la
littérature sur cette protéine, introduit des méthodes quantitatives
pour son étude et clarifié cette dernière.
Les cellules
tueuses naturelles (NK cells, natural killer cells) contribuent à la
réponse immunitaire innée. Le récepteur NKp44 est présent à la surface
des cellules NK et fait partie des activateurs de ces cellules. Nous
avons étudié l’interaction entre les cellules NK et deux Flavivirus,
les virus de la dengue (DENV) et du Nil Occidental (WNV). Nous avons
montré que le récepteur NKp44 participait à l’activation des cellules
NK par ces deux virus en interagissant directement avec leur protéine
E, et plus spécifiquement avec le domaine ED3 dans le cas du WNV.
L'activation des cellules NK requérait seulement leur exposition au
virus et non leur infection (en coll. avec A. Porgador, Israel) (59).
Structure de la nucléocapside du virus respiratoire syncytial (RSV)
J’ai contribué à
la résolution de la structure de la nucléocapside hélicale du RSV, le
plus important pathogène du tractus respiratoire inférieur chez
l’enfant. La structure cristalline à 3 Å de résolution consistait en un
disque qui comportait un ARN aléatoire et 10 protomères de la
nucléoprotéine (en coll. avec F. Rey) (60).
Biocapteurs fluorescents autonomes
J'ai développé
des approches originales pour transformer tout élément d'une famille
naturelle ou artificielle de protéines affines d'antigènes (AgBP) en
biocapteur fluorescent autonome (FA). Elles consistent à introduire un
résidu unique de cystéine au voisinage du paratope de l'AgBP puis à
coupler chimiquement un fluorophore solvatochromique à cette cystéine.
La fixation de l'antigène protège le groupement fluorescent contre une
extinction par le solvant et résulte en une variation de fluorescence.
Nous avons décrit et validé des règles de conception pour choisir le
site de couplage, basées soit sur la structure tridimensionnelle du
complexe entre AgBP et antigène lorsqu'elle est connue (61, 62), soit
sur des données de mutagenèse lorqu'elle est inconnue (63, 64), avec un
fort taux de succès. Nous avons défini théoriquement la sensibilité des
biocapteurs FA et montré que leur sensibilité et leur intervalle
dynamique peuvent être améliorés par design moléculaire (65). Nous
avons validé ces approches avec des anticorps et des protéines
artificielles, soit des protéines à domaines répétés d'ankyrines
(DARPin; en coll. avec A. Plückthun, Suisse) soit des protéines à
OB-fold (Affitin ou Nanofitin; en coll. avec F. Pecorari). Ces
protéines artificielles ont d'excellentes propriétés de production
recombinante et de stabilité. Les biocapteurs FA ont des applications
potentielles en recherche, santé, environnement, défense et dans
l'industrie.
Logique du langage musical
Le but de mes
recherches musicales consiste à libérer l'harmonie des couches inutiles
de complexité qui se sont accumulées au cours des siècles, et à
proposer une nouvelle logique du langage musical. Les résultats que
j'ai démontrés, en particulier le Théorème de parsimonie, sont valides
dans des contextes divers, musicaux ou non. Ils apportent (i) de
nouvelles propositions en théorie des ensembles, leurs suites et leur
combinatoire; et (ii) une approche simple et pratique pour créer de
nouvelles harmonies et progressions d'accords non seulement dans le
tempérament égal de douze sons mais aussi dans des tempéraments inégaux
ou dans des systèmes microtonaux (66, 67).
Références
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